L'allaitement pendant la grossesse et les sentiments de malaise

Publié le 15 Septembre 2022

La difficulté d'allaiter pendant la grossesse

L'allaitement pendant la grossesse est un sujet peu abordé.

Et pour causes :

- il concerne l'allaitement long du bambin qui, même s'il tend à être de plus en plus connu et évoqué dans les magazines, reste souvent choquant voire inimaginable ;

- beaucoup de parents occidentaux attendent la fin de l'allaitement de l'aîné avant d'accueillir un autre enfant. C'est ce que j'avais d'ailleurs prévu... ;

- parmi les mères qui choisissent de continuer à allaiter pendant la grossesse, nombre d'entre elles sont finalement contraintes, par la douleur due à la nouvelle sensibilité des seins ou un sentiment d'important malaise, à stopper l'allaitement de l'aîné dès le début de grossesse.

 

On trouve un bon article sur le sujet écrit par Claude Didierjean-Jouveau, sur le site spécialisé de La Leche League. Avec une conclusion que je trouve tout à fait exacte dans mon cas :

" Si une mère décide de continuer à allaiter son enfant pendant la grossesse, puis après la naissance du nouveau-né, c'est bien parce qu'elle sent intimement que son enfant a encore besoin de cette relation. "

Oui parce qu'en vérité, pour les mères qui subissent ce fameux sentiment de "malaise" évoqué dans l'article, la tétée pendant la grossesse devient certains jours et nuits une véritable corvée !

J'ai continué à allaiter Lulu pendant cette deuxième grossesse parce qu'elle n'était pas prévue maintenant, et que je ne voulais pas que mon choix de garder ce nouvel enfant pénalise mon aîné pour qui je souhaite un sevrage naturel.

Je ne regrette ni mon choix d'avoir gardé l'enfant, ni celui d'avoir continué à allaiter, mais il est certain que cette épreuve de l'allaitement pendant la grossesse a altéré ma relation avec mon fils, m'a fatiguée, et a généré malgré tout une réduction forcée des tétées, ce qui nous éloigne considérablement du concept naturel de l'allaitement à la demande.

D'un autre côté, rien ne me prouve qu'un sevrage en début de grossesse n'aurait pas été moins difficile...

 

Le sentiment de malaise en détail

Une sensibilité accrue voire une douleur insupportable du sein

Dans mon cas, j'ai commencé dès le premier mois de grossesse à être plus sensible et ce fut le premier indice de ma grossesse. Puis la sensibilité a disparu quelques semaines, jusqu'à ce que Lulu décide fermement de ne plus avoir besoin de tétine, alors qu'il avait 15 ou 16 mois et que j'en étais à 3 mois de grossesse. Il a compensé en partie en tétant davantage. J'ai à ce même moment eu le sentiment de moins produire de lait et l'impression que Lulu ne savait plus bien téter. Je sentais beaucoup plus ses dents sur mon mamelon. La douleur importante n'a duré que trois ou quatre jours mais a contraint à réduire considérablement le nombre de tétées tellement c'était devenu désagréable pour moi, ce qui n'a pas été sans gros chagrins pour lui, et avec quelques nuits pourries pour tout le monde.

J'ai trouvé cependant des solutions.

C'était surtout les tétées de nuit qui étaient insupportables, alors que nous étions allongés. Je me suis rendue compte qu'en étant assise et en tenant Lulu dans la position de la Madone pendant la tétée, où je pouvais "régler" avec mon bras la proximité de sa tête par rapport à mon sein, cela allait mieux car alors je pouvais lui mettre une plus grande partie du sein dans la bouche et le contact des dents n'était plus sur le mamelon.

Pour la sensation de sein vide, j'ai pratiqué la solution que j'avais trouvée toute seule pendant les creux de lactation les premiers mois de Lulu : la projection mentale. Visualiser le lait couler à flots depuis le sein jusqu'au gosier ou au ventre du bébé. Dans mon cas cette solution a toujours fonctionné.

Quand le sein était trop douloureux, je proposais de l'eau à Lulu. Cela n'a pas été miraculeux, il faut bien l'avouer, puisque ça ne résolvait que le problème de la soif. Pour l'aspect affectif de la tétée, j'ai dû plusieurs nuits le bercer dans mes bras jusqu'à ce qu'il s'y rendorme.

Enfin, lui expliquer autant qu'il peut le comprendre que Maman a très mal pendant la tétée mais que ce n'est pas sa faute, ni celle du bébé dans le ventre, qu'il faut que tout le monde soit patient, et que bientôt ça ira mieux. 

J'ai sincèrement pensé devoir arrêter l'allaitement dans ces moments-là. Heureusement que ça n'a pas duré plus de quelques jours à chaque fois car en plus de la douleur sont survenus l'épuisement et l'irritation.

 

Irritabilité et rejet de l'aîné

Il est profondément bouleversant de se sentir soudainement irritée par son enfant qu'on adorait à toute heure jusque-là. Ma relation avec Lulu est passée de "ultra fusionnelle" à "j'ai besoin que mon corps m'appartienne". Alors que j'étais toute dévouée à mon bambin, la grossesse m'a fait ressentir le besoin de penser à moi et de ne plus faire passer tous les besoins de Lulu systématiquement avant les miens.

Il y a eu des périodes, notamment pendant les douleurs mais bien d'autres aussi, où je ressentais un agacement totalement injustifié par rapport à ce qu'étaient les tétées auparavant. Je me suis surprise à être de plus en plus impatiente et agressive avec mon fils.

Les sensations que me procuraient la tétée ont été extrêmement modifiées par la grossesse, pas seulement au niveau des mamelons mais parfois dans tout mon corps, qui est devenu hyper sensible. Dans le même temps, Lulu est devenu plus tactile pendant la tétée et s'est mis à caresser mon ventre qui s'arrondissait, et à toucher mes cuisses avec ses pieds, ce qui avait pour effet de m'irriter au maximum.

J'ai également trouvé des solutions efficaces pour gérer cela, bien que ça n'a pas eu pour effet de me faire retrouver toute la patience et la dévotion d'avant : ne plus dormir nue en cododo mais porter un pyjama, dans l'idéal avec un haut à bouton pour que seul le sein soit accessible. Quand le contact peau à peau a été filtré par les vêtements, cela a immédiatement amélioré la situation.

Un article du site Naître et grandir propose également la solution de la distraction (valable donc pour les tétées de jour). Et en effet, j'ai recouru de temps en temps à la lecture mais j'ai trouvé tout de même assez perturbant de délaisser l'échange de regards avec son enfant, qui fait de la tétée un moment de partage et de tendresse.

 

Retour de la libido et excitation sexuelle par la tétée

Bien que je ne prétende pas avoir tout lu sur le sujet, je n'ai trouvé mention nulle part de ce dernier malaise. Peut-être suis-je la seule à l'avoir ressenti ? Chaque fois que j'ai évoqué des expériences sur des forums, j'ai pu me rendre compte que j'étais loin d'être la seule à les vivre. Alors peut-être le sujet est-il trop tabou pour que quelqu'un ait déjà osé l'aborder ?

Je ne sais pas si c'est le besoin d'ocytocine pour le bon développement du foetus, ou pour la préparation à la naissance, mais la grossesse a généré chez moi un retour fulgurant de la libido.

Elle s'était largement atténuée depuis la naissance de Lulu. Je me souviens de Baba Papa voulant me rouler une pelle pendant que j'allaitais notre fils dans ses premières semaines, et moi qui me sentais profondément mal à l'aise parce que l'excitation que cela provoquait n'était absolument pas compatible avec le bébé greffé à mon sein.

Tandis que les premiers sentiments de malaise (douleur et irritabilité) liés à l'allaitement pendant la grossesse se sont surtout manifestés aux deux premiers trimestres - la douleur est toujours régulière mais disons que je m'y suis habituée -, l'excitation sexuelle par la tétée a surgi sur la fin. Sur le coup je me suis sentie extrêmement mal. J'étais heureuse pour mon fils d'avoir tenu bon jusque là, mais est-ce que j'allais pouvoir surmonter ça ?

J'ai trouvé la réponse en moi-même et grâce au cheminement de pensée qu'ont généré mes lectures sur la grossesse et la naissance respectée. Je pouvais trouver un sens logique, au moins scientifique, à cette sensation et soit j'arrêtais l'allaitement, soit je faisais avec. J'ai choisi la deuxième solution. Cela demande d'être à l'aise avec le concept de sexualité. Il s'agit d'une profonde remise en question et peut-être que certaines femmes n'y seront jamais prêtes. 

Jusqu'à l'enfantement, j'ai ressenti cette excitation oresque à chaque tétée (heureusement il n'y en avait plus que 3 à 4 en 24h les dernières semaines de grossesse, pour les endormissements et les réveils). Je précise bien que c'est purement physique et que je ne ressens aucune attirance sexuelle envers mon fils et n'ai aucun pensée sexuelle à son égard. Pendant la tétée, j'ai trouvé la solution de diriger mes pensées vers mon mari et mes fantasmes. La plupart du temps, tout cela s'est arrêté immédiatement dès que Lulu cessait de téter - c'est le cas pour toutes les tétées de réveil. Et les quelques fois où mon corps n'a pas été calmé après que j'aie endormi mon fils, on s'est arrangé avec Baba Papa à qui la situation a convenu, finalement, plutôt bien...

***

Quand Jeanne est née, cette excitation pendant les tétées s'est interrompue totalement. En revanche, les tétées de Lulu sont restées désagréables jusqu'aux 9 mois de Jeanne, quand les 6 premières dents de cette dernière étaient bien sorties.

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